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LES BILLETS DU FUTUR

Cet article est d'abord paru dans PM Magazine, le journal de l'AFEP, Association Française pour l'Étude du Papier-Monnaie et dans Numismatique et Change. Bien entendu, cet article a été écrit alors que la nouvelle gamme des billets de la Banque de France entrait seulement en service, vers 1991.

 


La question est essentielle car ce que nous collectionnons a-t-il une chance d'exister encore dans dix, vingt, cinquante, cent ans? Risquons-nous de ne pas avoir de successeurs collectionneurs?

Tordons tout de suite le cou à une rengaine ridicule très en vogue actuellement: le billet serait sur le point de disparaître, remplacé par la carte à puce, le paiement sur Internet etc....

Si cela devait se produire, nous entrerions dans le règne du "fliquage" total car TOUS nos achats et TOUS nos revenus seraient connus de Big Brother comme dans le fameux livre "1984".
Conjugué avec l'accroissement permanent et sans fin des dépenses de Sécurité Sociale - dont je rappelle qu'elle a depuis longtemps dépassé le budget de l'Etat - vous recevriez par exemple un courrier comme suit "Le relevé de votre carte à puce indique que vous avez acheté ce mois-ci 8,752 kilos de viande et votre relevé de santé indique une surcharge pondérale de 23% avec tendance à l'hypertension. Votre carte deviendra donc inutilisable pour tout achat de viande pendant un mois afin de rétablir votre santé". Fantasme? Non, simplissime si vous supprimez l'argent liquide, donc le billet. Je vous laisse imaginer dans le même esprit les achats de cigarettes, d'alcool ainsi que le "fliquage" fiscal, sans parler des possibilités de contrôle offertes à une vraie dictature...
Une civilisation rentrant dans ce type de logique aurait trente ans à vivre, au mieux, avant qu'un conquérant quelconque ne rentre comme dans du beurre dans le parc à nourrissons que nous serions devenus.

La carte à puce et le télépaiement seront, comme le chèque l'est déjà (je rappelle à ceux qui n'ont pas lu la chronologie du FRANC que le chèque a valeur juridique depuis 1864), des modes de paiement annexes mais ils ne détrôneront pas le billet.

Ce qui suit relève de mon expérience de changeur professionnel et je ne dispose d'aucune information particulière, ce qui me semble souhaitable n'étant - semble-t-il - absolument pas pris en compte dans les projets d'Euros et autres dont j'ai pu avoir connaissance.

Quel est le problème du billet contre la carte et le télépaiement? Il est falsifiable et coûte cher et ce d'autant plus qu'il est difficile à contrefaire.

Le combat entre faussaires et Instituts d'Emission me semble mal parti car les mafias actuelles ont des moyens financiers et donc techniques dont aucun faussaire - hors Etats, voir Napoléon et l'opération Bernhart - n'a jamais disposé dans l'Histoire.
Les moyens techniques, les plus sophistiqués soient-ils, sont compromis dès que les machines d'impression, de surimpression, etc... sont en pratique disponibles pour qui peut les payer n'importe quel prix.
Il arrive surtout un degré de qualité dans les faux où le problème n'est plus de les détecter mais le temps et les compétences nécessaires pour le faire.


Notre pratique du tri des billets - change professionnel oblige - nous montre:
a) le français moyen est incapable de détecter un faux un peu soigné. Il ne voit même pas la trame de l'offset!
b) le caissier de banque moyen distribue, volontairement ou non, des faux (moyenne un client par semaine présentant une liasse sortie de banque contenant un faux)
c) les techniques d'impression utilisées actuellement ne permettent pas une tonalité de couleur fixe et donc un repérage facile par les billets spécimens.
d) il est impossible de bénéficier d'une information fiable de la part des Instituts d'Emission qui ont toujours peur d'informer un faussaire potentiel sur ses erreurs.
e) les faussaires au travail actuellement sont de petits artisans nuls et bidouilleurs. Aucun maître sur notre devise, les faux exceptionnels ne se retrouvent, selon notre expérience, que sur le dollar et le mark. Pas flatteur pour le franc mais la situation peut changer et changera de toute façon avec l'Euro.
f) les machines a détection automatique en usage actuellement ne sont ni fiables ni pratiques.

Comment faire pour renforcer la sécurité à moindre coût?

Le premier problème est de faciliter le repérage des faux au plus près de leur source. Comme il est hors de question de former tous les Français et tous les caissiers de banque, il faut trouver un système de test infalsifiable.
Ce test ne peut pas être physico-chimique car les faux de professionnels passent les tests UV et chimiques sans problème et que les autres tests sont trop lourds et difficiles à maîtriser. Rappelons-nous que sept milliards de Delacroix ont été imprimés depuis 1978... combien encore en circulation?
Le test doit être automatisé et rapide.

Une première solution serait d'éliminer l'élément humain, pas fiable, pour définir un test adapté aux machines (qui ont aussi l'avantage de ne pas pouvoir renseigner les faussaires!).
Les billets du futur auront donc des codes barres comme au supermarché pour permettre la lecture des numéros par des lecteurs lasers ( plusieurs billets à codes barres circulent déjà comme en Hollande et au Liban).

Il serait alors simple de connecter par un système identique à celui d'autorisation des cartes bleues les principaux points de passage des billets, banques, convoyeurs de fonds, supermarchés, etc... à un ordinateur central qui aurait en mémoire:
a) les numéros de série de faux signalés (les faussaires sont tellement nuls que la majeure partie des faux billets portent des numéros identiques entre eux!)
b) les numéros des billets vus par exemple durant la journée en cours ce qui permettrait une comparaison afin de détecter par les numéros identiques de nouveaux faux éventuels.
Les billets seraient soient présentés un à un en cas de doute sur des lecteurs identiques à ceux des caisses de supermarché, soit, pour les grosses quantités à des compteurs de billets tels ceux des caissiers de banque ( moyenne 1400/billets minute...) équipés d'un lecteur de code-barre.

Ce système éliminerait une grosse proportion de faux de mauvaise et moyenne qualité pour un coût relativement faible si nous le rapportons au coût des faux billets pour, par exemple un super-marché. Il permettrait à la Banque d'Emission un suivi bien meilleur de la dissémination des faux de chaque modèle.


Mais ce système peut encore être amélioré en compliquant la vie des faussaires.

Il existe de nos jours des systèmes de codage très sophistiqués, parfaitement automatisables, qui pourraient transformer les numéros de série des billets en grilles de chiffres sans rapport apparent les uns avec les autres. L'avantage est crucial : le faussaire ne sait plus, ne connaissant ni le code, ni le numéro de série d'origine (qui peut déjà être codé), quel numéro mettre sur ses productions sauf à se condamner à tout mettre au même numéro, garantissant une détection immédiate au premier contrôle.
Un faussaire qui veut contrefaire aujourd'hui un Montesquieu regarde un vrai et sait que nous sommes sur l'alphabet, par exemple, 310 : il peut parfaitement régler son imprimante pour défiler des numéros tout à fait exacts de l'alphabet, par exemple, 280.
Si le numéro du billet est surcodé avec une grille de 5x8 en quarante nombres de quatre chiffres, sauf à recopier exactement un vrai, le faussaire ne peut pas inventer ni un ni plusieurs numéros justes, les combinaisons étant tellement nombreuses que la probabilité de faire une vraie grille par hasard est presque nulle. On peut encore compliquer le code en introduisant des lettres avec les chiffres.

Casser le code ? Sachant que la CIA vient de tenter de faire interdire (et que les services français ont interdit) l'usage d'un nouveau code, le PGP ( Pretty Good Privacy pour "plutôt bonne intimité"), disponible gratuitement sur l'Internet, on peut en déduire que ni la CIA, ni les services français ne savent casser ce code. En réalité, ils le peuvent, mais les ordinateurs nécessaires pour le faire sont, et pour de très nombreuses années encore, utilisés 24h/24 par les scientifiques de l'armée, entre autres pour simuler des explosions nucléaires, et sont militairement mieux gardés que Fort Knox, la réserve d'or des USA. Ces ordinateurs de la gamme CRAY permettent, en effectuant des milliards d'opérations élémentaires par seconde, de casser un code en testant toutes les possibilités. Ces ordinateurs, au contraire des machines à imprimer des straps ou des hologrammes, ne sont accessibles à aucun prix pour les mafias. Ils sont vraiment trop difficiles à fabriquer et trop bien gardés.

Avantage de ce codage : le système de contrôle pourra reconnaître à distance si la grille correspond ou non à quelque chose de réellement émis ou si la grille est inventée ou pire, recopiée à plusieurs exemplaires. Sans intervention humaine, sans information pour les faussaires, sans risques de dérapages et à une grande vitesse, bien supérieure à celle de n'importe quel caissier professionnel, cette méthode sécuriserait presque totalement la circulation des billets tout en abaissant drastiquement leur prix de revient car il ne serait plus nécessaire de combiner comme c'est le cas actuellement toute une série de techniques d'impression extrêmement coûteuses.
Le test fonctionnerait même sur des billets usagés ou très usagés, et pourrait, sur le principe du système du réseau carte bleue, être étendu à presque toutes les boutiques.
La faille est, bien entendu, le code. Seul "connaîtrait" ce code l'ordinateur central et son programmeur. Gageons que cet ordinateur serait bien protégé et son programmeur couvert par le secret militaire!

Nous pouvons donc collectionner tranquillement et, marchands ou collectionneurs, ne pas craindre de voir - dans un avenir humainement prévisible - le billet cesser d'être utilisé et nos collections perdre de leur valeur.

La collection de billets a un glorieux avenir devant elle car le billet comme mode de paiement a un grand avenir devant lui!


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